Lettre à Inès, Gabriel et Amaury,
Mes enfants,
Avant vous, je ne savais pas ce qu’être parent voulait dire. Et puis, je vous ai portés du creux de mes reins à mes bras. De mes bras à mes mains. Et de mes mains du regard. Je ne savais pas que porter un enfant, c’était porter le monde sans s’en apercevoir.
On découvre que vous voir grandir, c’est se questionner chaque jour en se demandant si nos choix seront les bons, que participer à votre émancipation, c’est être à vos côtés lorsque vous tombez mais également vous laisser partir. On rêve de vous apporter le meilleur, de nous et du monde, on rêve d’idéal et de perfection. Vous êtes l’aboutissement de tous nos élans d’amour.
Mais vient le quotidien, le boulot trop prenant, le manque de temps. Et l’éducation rêvée devient un compromis entre nos désirs, les vôtres et les impératifs de nos sociétés.
Pourtant, l’éducation que j’aimerais vous offrir est un chemin à partager, un bout de route vers un savoir collectif. C’est ma part d’humanité qui a traversé des générations et m’a mené jusqu’à vous. C’est ce qui m’a relié à mes ancêtres lorsque je vous ai mis au monde et qui me relie aux générations à venir depuis que j’accompagne vos vies.
Je vous aiderai probablement à lire, à écrire et à compter. Mais je vous guiderai aussi à aimer, à partager, à coopérer. Je vous apprendrai à cultiver, à cuisiner et à faire un feu. A vous rebeller, parfois. A ne pas baisser les bras. A écouter les autres. A respecter la terre.
Et j’apprendrai de vous, le temps, la patience et le sacrifice. Je complèterai ma propre éducation afin de redessiner la société, de réenchanter les êtres et d’approcher votre poésie. Je réapprendrai à jouer, à ne plus me dépêcher, à deviner des animaux dans les nuages et à chanter.
Et notre éducation mutuelle, je l’espère, nous permettra d’élever nos consciences et de trouver, avec humilité, la place à occuper dans ce monde.
Car si l’éducation est un droit, il est avant tout un devoir de nos générations de léguer ce que nous avons de meilleur, en tant que parent, association, école ou enfant. Si l’éducation est un droit ne l’abîmons pas de certitudes, ne l’enfermons pas dans des institutions rigides. Car si l’éducation est un droit, c’est aussi un échange entre ce que nous pensons savoir et ce qui sera remis en question demain.
Chloé
07/12/2011